Aujourd’hui, je vous résume le dernier procès en date : le procès en récidive du père d’Alia Bouklachi.
Nous étions convoqués à 14h le 9 juillet 2021 au tribunal d’Annecy. Côté défense, il y a le père, qui comparaissait pour les faits de soustraction de mineur, avec rétention à l’étranger, le tout en récidive, puisqu’il avait déjà écopé de 3 ans de prison ferme pour ces mêmes faits en novembre 2019.
En face, je me présentais en tant que partie civile, ainsi qu’en tant que représentante de la victime, Alia Bouklachi. Mon avocate en France m’accompagnait.
Il y a un autre procès, mais nous sommes prioritaires, le prévenu étant à la fois détenu (donc escorté depuis sa prison), et accompagné d’un avocat venant de l’extérieur du département.
Cette fois-ci, son avocat se présente, à l’inverse de la fois passée. On se demande tous s’il a été payé, et si oui, avec quel argent. C’est un avocat connu, et il vient de très loin, ce qui est généralement facturé au client.
NB : Si vous avez besoin d’infos sur les termes juridiques utilisés, je vous ai fait un petit article pour clarifier les choses, juste là!
Le procès commence. Le père est amené dans la salle d’audience. La juge demande à son escorte s’il est envisageable de le laisser passer à la barre, sans rester dans son box en verre. C’est accepté, il pourra donc s’exprimer à la barre.
Je ne l’ai pas vu depuis le 26 novembre 2019, lors de sa première condamnation. Cette fois-ci, je le vois de près. Il est moins flasque que la fois passée, mais il a conservé son ventre démesuré. Il se fait pousser les cheveux, qu’il ramène en catogan sur sa nuque. Mais ce qui me frappe, c’est ses ongles. Tous sont coupés courts, sauf un, celui du petit doigt de la main droite.
Et là, je comprends comment il le paie, son avocat. Je me dis « Ce type est incroyable, il est en tôle pour enlèvement d’enfant, il passe en récidive, et il trouve encore le temps pour faire des conneries. » Ça ne va pas arranger mes affaires ça. Il ne manquerai plus qu’il fasse une overdose et qu’il clamse avant d’avoir ramené Alia. Mais retour au procès.
La juge fait un rappel des faits, notamment le rappel de son premier procès, qui induit donc la récidive. Elle rappelle qu’il a fait appel, mais que la Cour d’Appel de Chambéry confirme le jugement initial. Elle explique que le Parquet d’Annecy a ouvert une nouvelle information judiciaire, et que c’est pour cela qu’il est en détention provisoire.
Le procès commence alors vraiment. La présidente lui pose le problème suivant : en 2019, lors de son premier jugement, il lui avait dit (car c’était la même présidente lors des 2 procès) qu’il ne comptait pas ramener Alia en France, malgré les jugements Algérien et Français exigeant qu’il aille dans ce sens. Elle aimerait connaître sa position sur la question aujourd’hui.
Et dès qu’il ouvre la bouche, il fait sa première erreur. Son avocat l’a bien entrainé, il fera nettement moins d’allégations douteuses qu’au premier procès. Mais lui demander de ne pas dire d’âneries, c’est comme tenter de briefer Balkany : il y aura toujours des boulettes qui sortiront sans prévenir.
Il regarde la juge droit dans les yeux, elle qui lui a posé la question il y a un an et demi, et qui a entendu sa réponse : « Non Madame la Juge, je n’ai pas dit ça, j’ai dit que je ne pouvais pas la ramener ». Nul doute qu’elle a dû apprécier d’entendre qu’elle mentait (de la part d’un détenu!), mais elle est restée d’un calme olympien.
Elle lui rappelle donc que c’est bien elle qui présidait la fois passée, puis « Vous avez dit je cite, « Non je compte saisir le JAF, je ne compte pas rendre l’enfant à sa mère », vous voyez, c’est marqué là, dans les notes de procès. »
Il tente alors tant bien que mal de se dépatouiller avec son propre mensonge, et avance des explications bancales sur comment il compte réparer « la plus grave erreur de sa vie » selon lui. D’après lui, il n’était pas en capacité de demander à sa famille de prendre contact avec moi ou le consulat, parce qu’il était dans sa cellule.
C’est bien connu, les détenus en France n’ont droit ni aux courriers, ni au téléphone, ni aux visites. Ah, ben si, en fait. Il a pu m’écrire. Il a pu m’envoyer des messages sur Facebook depuis un téléphone sauvage. Il a pu voir sa nouvelle compagne au parloir. Il a même pu avoir des nouvelles de notre fille par ses codétenus. Mais par contre, il n’était pas en mesure de demander à ce que notre fille retrouve sa vie.
A vomir.
Et comme son avocat suit cette ligne de défense, et que lui veut sauver ses fesses, il ne dira que cela, en boucle, pendant tout le procès. Qu’il ne pouvait rien faire avant, mais que « Dès ma sortie, je vais essayer de me donner à fond pour la {Alia} faire revenir. »
Je précise que j’ai pris énormément de notes pendant ce procès. Cette phrase est donc mot pour mot celle qui a été prononcée. Il compte « essayer de se donner à fond ». Quelle honte.
Et quand la juge creuse un peu pour savoir ce qui a vraiment été entrepris pour ramener Alia en France, il n’y a bizarrement aucune copie de courriers. Personne en prison n’a vu les courriers dont il parle (alors qu’ils sont tous vérifiés avant envoi). Ni son avocat ni les magistrats n’ont de trace des démarches dont il parle.
Le seul courrier dont on a trace, c’est celui qui m’a été envoyé. Et la présidente lui fait remarquer que l’intention de ramener Alia est loin d’être exprimée clairement. Et effectivement, dans ce courrier, on voit un tentative de chantage, mais il ne dit nulle part ce qu’il compte entreprendre. Cette fois, il n’ose pas mentir alors qu’elle vient de lui lire ses propres mots sur la copie de la lettre. Il marmonne que son père est mort. Que c’est sa mère qui gère, et qu’elle « ne sait pas comment faire. »
Vient alors la pièce suivante, la retranscription d’une conversation téléphonique que le juge d’instruction et le père de ma fille ont eue avec la mère de ce dernier. C’est elle qui d’après lui, garde notre fille, chez elle, à Cherchell.
La grand-mère d’Alia aurait tout d’abord signalé qu’Alia ne vivait pas chez elle. Puis, devant l’insistance du géniteur, elle aurait avoué qu’elle la gardait bien, et que puisqu’il sortait de prison, son frère viendrait prendre la petite et la ramènerait. Mais quand elle a compris que le prochain procès se préparait, elle aurait fait marche arrière soudainement, en conditionnant le retour d’Alia à la libération de son père. Un peu plus de chantage, si jamais il en manquait dans cette affaire. Sauf qu’on ne fait pas de chantage à la Justice Française.
Le père continuera dans son délire jusqu’au bout : « J’estime que 3 ans de prison c’est assez » ou encore « Je ne peux donner aucune garantie {du retour d’Alia} » seront les phrases les plus parlantes de son temps de parole.
C’est maintenant à moi de m’exprimer. Le père va donc s’installer au premier rang pour libérer la barre. J’explique que tout ce qu’il a soi-disant entrepris n’est que du vent : d’après lui, il ne peut pas faire de passeport algérien à ma fille depuis sa cellule? Mais Alia n’a pas besoin de ce passeport pour rentrer en France ! J’explique que ça m’irrite vraiment d’entendre que la raison pour laquelle notre fille est encore en Algérie, c’est parce que la seule chose qu’il ait tentée est tout simplement inutile. Et ça énerve son avocat, je le verrai plus tard.
J’explique qu’il y a autre chose qui m’irrite au plus haut point : la façon qu’il a de remettre la faute sur sa mère. D’après lui, tout est de la faute de sa mère, qui serait une sorte de Mama de la mafia italienne. Alors que moi, j’ai reçu un courrier dans lequel il explique (assez clairement à mon avis) que sa mère ne fait qu’exécuter les ordres venant de lui-même et de ses frères.
Je termine en disant que j’aimerais que la famille paternelle se rende enfin compte de la situation, et qu’ils décident rapidement de la faire revenir. Ça aussi, ça va énerver son avocat.
Vient alors le tour de mon avocate. Elle rappelle tout ce que j’ai entrepris, et tout ce que le père n’a pas tenté. Elle doute de la sincérité du prévenu, montre qu’il n’y a aucune volonté, s’alarme du chantage qui nous est fait. Et aussi qu’il y a complicité d’enlèvement avec la personne qui retient Alia prisonnière. Elle rappelle d’ailleurs qu’il ne m’a jamais versé les 1000€ du dernier procès, mais que surtout, il faut désormais qu’il ramène Alia. Qu’elle doit récupérer sa vie volée.
L’avocat général s’exprime ensuite. Il fait remonter la personnalité perverse du père. Et d’ailleurs, pourquoi toujours dire que la faute revient à quelqu’un d’autre, pourquoi ne prend-il pas ses responsabilités? Et tout ce chantage…Il convient d’ailleurs comme moi qu’Alia n’est qu’une monnaie d’échange, plus une enfant, aux yeux de son géniteur. Et qu’il a encore l’audace de me demander, pour retrouver ma fille, de « voir avec eux », avec sa famille donc. Comment pourrais-je, mieux que lui, voir avec sa famille comment fair revenir Alia? Si lui ne le peut pas depuis la France, comment le pourrais-je, moi?
Il fait remarquer que bien que le père semble trouver que toute cette situation est « une blague » on parle bien de la vie d’une petite fille. Nous serons tous abasourdis en entendant qu’il a reçu un courrier de la part du père, qui estime qu’il n’est en prison que parce qu’il est Algérien. (Eh oui, le fait qu’il enlève un bébé ça ne vaut rien apparemment.)
L’avocat général terminera en expliquant que le père est bel et bien le chef d’orchestre d’un complot qui est devenu familial.
C’est désormais à l’avocat de la défense de s’exprimer. Il récitera longuement un texte qu’il a certainement appris par coeur, puisqu’il plaide la même chose depuis 3 procès. (Il tente depuis le mois de mai de faire sortir son client avec les mêmes arguments. Le fait que ça n’a toujours pas marché n’a frappé personne à ce jour.)
Mais avant de débuter son laïus, il commence par me reprocher mes propos. Apparemment, je n’aurais pas dû signaler que le père perdait son temps à faire un passeport algérien à notre fille. Après tout, vu que je suis une mère, je devrais m’occuper de ma fille en priorité, pas de son passeport ! Effectivement. Quelle mauvaise foi…!
Je pense qu’il a perdu des points à détourner mes propos de cette façon. Les magistrats n’ont pas eu l’air d’approuver. Et il continue ! Pourquoi ai-je porté plainte contre le père, puisque j’estime que c’est « la famille paternelle » qui est en mesure de me rendre ma fille ? « Parce que le père fait partie de la famille paternelle » ne lui est pas venu à l’esprit, ou du moins, il fait tout pour nous le faire oublier.
Viendra ensuite un cours de droit sur le fait que si Alia n’avait été qu’un tableau, personne n’aurait osé demander de récidive. Ah ben oui, quel dommage qu’on parle d’une enfant de chair et d’os, ça n’a pas l’air d’arranger ses affaires tout ça ! Il précisera quand même qu’il s’agit « d’un beau tableau de maître ». Attends, j’ai pas mis 9 mois à mettre au monde une mocheté, il faudrait pas qu’on se méprenne…
Il termine en plaidant que bon, vu qu’on est là, si les juges veulent vraiment le condamner pour quelque chose qui in fine est à peine plus grave qu’un vol de tableau, ce serait bien qu’il ait un bracelet électronique. Pour pouvoir faire les démarches pour faire revenir Alia. Mais siiii, vous savez, les démarches qu’il n’a jamais entreprises ! S’il a un bracelet, il va pouvoir les faire maintenant !
Il a enfin fini de parler.
La Cour se retire ensuite pour délibérer. Il leur faudra plus d’une heure pour peser chaque élément de l’affaire.
A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas si le père a interjeté appel ou pas. Mais on peut se dire sans trop se mouiller qu’il y a bien une demande d’appel.
Le jugement en première instance est donc le suivant. Le père écope de 2 ans de prison ferme avec maintien en détention. Ils sont assortis de 2 ans de sursis, au cas où les actions suivantes ne seraient pas menées rapidement :– le versement des sommes dues à la partie civile pour les 2 procès, soit 2000€- la mise en place d’actions concrètes pour le retour d’Alia Bouklachi en FranceLe juge des libertés le suivra et jugera les résultats que le père lui apportera durant sa détention.
Le père n’a pas compris sa peine. On l’entend demander « Je sors quand? »
La présidente lui réexplique tout, gentiment, lentement. Et on entend « Si j’étais vous, je commencerais les démarches 2 jours après la sortie {du tribunal.} »
Ça reste effectivement la meilleure façon pour lui de sortir de prison, car si’l ne fait rien, il risque un 2ème passage en récidive, en plus es 2 ans de sursis.
Mais surtout, c’est ce qu’il doit à sa fille en tant que père : faire en sorte qu’Alia retrouve la vie qu’elle aurait dû avoir.
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Article initialement posté le 14/07/2021

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