Ce 30 septembre, je me suis rendue au Palais de Justice de Chambéry, suite à l’appel interjeté par le père d’Alia Bouklachi.
Pour rappel, il y avait eu un procès en récidive en juillet 2021, pour lequel la cour d’Annecy a jugé le kidnappeur coupable des faits reprochés. Il écopait alors de 4 ans de prison, dont 2 en sursis, et de 2000€ à verser aux victimes, au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale (pas de demande de dommages et intérêts de ma part, juste un euro symbolique).
Comme ça ne lui convenait pas, il a interjeté appel dans les jours qui ont suivi et un procès en appel a suivi. (Pour plus d’infos concernant les procédures judiciaires, qui peuvent sembler compliquées, je vous ai fait un récapitulatif ici.)
Nous voici donc à Chambéry, mon avocate et moi (avec de la famille/amis en soutien) pour écouter ce que la défense va pouvoir inventer cette fois.
Première nouvelle, l’accusé a changé d’avocat. Cette fois, il en a pris un à Lyon. On en est à – tenez-vous bien – pas moins de 5 avocats pour sa défense en France (il en avait eu au moins autant en Algérie).En prime, il a choisi un avocat qui…avait prévu d’avoir du retard (oui oui, il avait même prévenu par mail qu’il serait en retard car il venait de loin.)
Super, la première impression, il commence bien celui-là.
Nous entrons donc dans la salle d’audience. Les différentes affaires à l’honneur ce jour-là sont énoncées, les magistrats annoncent quelles affaires sont retenues.
L’avocat de la défense débarque enfin. Comme nous sommes la seule affaire avec un détenu (les autres sont tous libres, ils ne sont pas venus escortés par les forces de l’ordre) nous sommes prioritaires. L’avocat ayant enfin daigné se présenter, nous passons en premier.
On sort alors le prévenu de sa cellule, on l’installe dans son box, on lui enlève temporairement ses menottes. Comme les dernières fois, il a l’air complètement à l’ouest. J’en viens à me demander s’il est comme ça au quotidien désormais. Physiquement, il est encore pire que la fois passée. Il a une vieille chemise rose qui ne ferme quasiment plus, les boutons du bas sont sur le point de sauter. On dirait un saucisson (un saucisson qui regarde dans le vague, si vous avez suivi).
L’un des juges reprend l’affaire Alia Bouklachi depuis le début. Il réexplique tout, l’enlèvement parental, le jugement aux Affaires Familiales, le premier procès, validé en appel, puis le second procès en récidive, qui nous mène à ce jour. Il demande alors à l’accusé ce qu’il souhaite dire.
L’accusé, depuis son box de détenu, explique que tout est faux, et d’abord, elle est super méchante la mère de ma fille, alors j’ai été obligé de fuir, etc. Il repart dans ses délires de victime, lui, le bourreau.
Les juges ne semblent pas apprécier qu’il mente, ni qu’il radote. Le président le reprend, et lui explique qu’il ne s’agit pas d’un appel sur le premier jugement, mais bien sur le second. Qu’il ne peut pas revenir en arrière sur le premier jugement, il a déjà été reconnu coupable par cette même cour, à Chambéry. Pour les faits d’enlèvement, il est déjà coupable, c’est acté. Aujourd’hui, c’est de sa récidive et de sa demande de remise en liberté dont on parle.
Au sujet de la récidive, l’accusé répond qu’il n’y peut rien, il était en détention. Il ne pouvait donc selon lui pas faire revenir notre fille Alia d’Algérie. Les juges n’ont pas l’air convaincus du tout par cette réponse.
En ce qui concerne sa remise en liberté, il estime que comme il n’est coupable de rien, il peut sortir. Simple, basique, comme dirait notre caennais préféré (enfin le mien du moins ^^’ ). Mais bon, dans quel monde est-ce aussi simple ? Personne n’y croit une seconde.
Vient alors mon tour de m’exprimer. Je ne m’étends pas sur les faits. Je rappelle simplement que l’accusé a trouvé du travail à Lyon (apparemment DHL recrute dans les prisons de nos jours…) alors qu’il est incarcéré à Aiton, en Savoie. Pour trouver du taf dehors, il sait faire, il envoie des CV, il passe des coups de fil. Par contre, quand il s’agit de rendre sa vie à notre fille, le pauvre Caliméro est en détention et ne peut rien faire pour elle. Je souligne que personnellement, ça ne me convainc pas, je ne suis pas dupe. S’il avait voulu, il aurait pu. Mais il n’a pas voulu. CQFD.
Mon avocate s’exprime alors. Elle rappelle les mensonges perpétuels, la conduite perverse et l’inaction qui parle d’elle-même. Elle rappelle qu’il a expressément dit qu’il n’appliquerait rien du jugement, et qu’il s’agit bien là de la preuve demandée. Sans compter qu’effectivement, il a tout à fait pu retrouver une de ses ex algériennes depuis sa cellule et lier une relation avec elle, il a tout à fait pu envoyer des demandes d’emplois depuis sa prison…mais pas pu convaincre sa famille de ramener Alia au consulat français. La plaidoirie fait mouche.
S’exprime ensuite l’Etat Français. La plaidoirie, là encore, est excellente. La procureure s’oppose à la remise en liberté, et demande la confirmation du jugement de la cour annécienne. La remise en liberté ne tient pas la route (le prévenu fournit une promesse d’embauche non-signée pour Lyon, alors qu’il prévoit de résider…à Mulhouse.) Quant à la peine, elle la juge fondée et en demande le maintien.
C’est désormais à l’avocat de la défense de s’exprimer. La remise en liberté doit être accordée, parce que vous voyez bien, le pauvre accusé, il est un peu bête, et il comprend pas trop, alors il s’est trompé quand il a fait ses choix.
Je suis ébahie devant le discours de cet avocat (mais très amusée aussi, on ne va pas se mentir). Traiter son client d’idiot devant la France entière, il fallait oser !
Cet avocat a des jeux d’acteurs qui me rappellent beaucoup ceux du président Macron ; c’est assez déplaisant, mais il a l’air confiant. Il module sa voix à la façon d’un homme politique et part du principe qu’il suffit de nous parler comme à des enfants pour que tout s’arrange. Il nous invente des raccourcis fantastiques, nous peint des points de vue manichéens au possible, et nous conte habilement qu’en réalité, son client est un agneau bien bête et bien triste, mais que tout ira bientôt mieux.
Mais ce n’est pas fini !
Il dégaine alors l’argument préféré de son client, un argument qui n’en est pas un, d’ailleurs. L’avocat finit par expliquer que de toute façon, si la mère veut revoir sa fille un jour, il faut lâcher l’affaire. Que son client ne fera le nécessaire que lorsqu’il sera sorti de prison.
Après l’avocat qui compare Alia, une enfant, à un tableau au premier épisode, voilà maintenant l’avocat qui fait du chantage à la France ! On a tous hâte de voir la saison prochaine du coup.
Bref.
La cour se retire alors pour délibérer.
Elle revient rapidement, après une dizaine de minutes environ.
Il n’y aura pas de remise en liberté (en même temps, vu la plaidoirie, le contraire nous aurait étonnés). Concernant l’appel pour la récidive, le délibéré sera rendu après 14 jours. Je ne manquerai pas de vous tenir informés.
En résumé, pas de remise en liberté, et le délibéré attendu au 14 octobre 2021.
Et peut-être que ces 2 semaines de réflexion permettront à l’accusé de se rappeler que sa fille a elle aussi, besoin de sortir de la prison dans laquelle elle a été enfermée.
#aliabouklachi #enlevementparental #cherchell
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Article initialement paru le 04/10/2021

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